Mon interview à la veille des élections du 13 juin 2010
René, tu te présentes aux élections de ce 13 juin 2010. 71 ans, n’est-ce pas un peu tard pour briguer un mandat ?
RGT – C’est vrai qu’à mon âge, je ne peux pas espérer une longue carrière politique, mais en constatant l’évolution tragique de l’économie et du social en Wallonie, j’ai pensé que ce serait poser un acte citoyen que de m’insurger contre les compromissions et de collaborer à la défense de ma Région, et plus précisément de l’ex-département français de l’Ourthe, auquel je me sens appartenir profondément. J’ai la notion de la valeur du terroir et des racines qui y fixent l’être humain. À mon âge, contrairement à beaucoup, je ne me parjurerai pas pour continuer une carrière rémunératrice.
Tu viens de parler de l’ex-département français de l’Ourthe, tu te sens donc français ?
À vrai dire, je me suis toujours senti l’héritier des citoyens de la Principauté de Liège. Son indépendance pendant près de 1.000 ans et le caractère généreux et contestataire du Liégeois font que je me sens le prolongateur de son histoire. J’ai fait miens les 16 articles des Droits de l’Homme et du Citoyen proclamé en août 1789 par Laurent-François Dethier et le Ban de Franchimont, lors du Congrès de Polleur. Ils me parlent de Liberté, d’Égalité et de Fraternité. Je sais que la République Française n’est pas parfaite, mais elle tente au moins de s’adapter à ces trois concepts qui sont sa devise nationale.
Tu ne trouves pas ces valeurs importantes en Belgique ?
Comment accepter qu’un chef d’État le soit par le droit, quelles que soient ses qualités, et non par le choix du peuple ? Comment admettre que sa fonction ne puisse être remise en cause pendant la durée de sa vie, sinon que par le biais d’une insurrection comme en 1950 ?
En plus dans le régime fédéral belge, où se trouve l’égalité ? La proportion de six millions de Flamands contre quatre millions et demi de Francophones rend l’état fédéral totalement partial. La loi du nombre joue en faveur de la communauté la plus forte. Cela explique que nous n’avons plus eu de premier ministre wallon depuis Edmond Leburton et que la Wallonie se trouve pratiquement dans la situation d’une colonie de la Flandre.
Ne faudrait-il pas simplement réclamer plus d’autonomie pour les régions ?
Plus d’autonomie pour les régions signifierait une Flandre plus forte, étranglant plus fortement Bruxelles, déjà complètement encerclée et où la présence politique flamande est surreprésentée par des accords politiques iniques.
Cela signifierait également une domination économique de la Wallonie. Car il faut savoir que si les Flamands déclarent que chaque Wallon leur coûte 1.000 euros, ils ne mentionnent jamais que la majorité des marchandises qu’il achète est passée par des mains flamandes. Il serait intéressant de voir combien d’articles (produits ou commercialisés) flamands sont vendus dans la grande distribution par rapport aux Wallons. Par contre, il suffit d’interroger le patron d’une entreprise wallonne pour se rendre compte qu’il est difficile, sinon impossible pour lui de vendre en Flandre.
Dans ce cas, l’indépendance de la Wallonie ne devrait-elle pas être recherchée ?
La Wallonie est devenue une région où nombre de PME de haute technicité et d’innovation se sont créées. Mais cela ne peut suffire pour faire vivre la région. Il est admis communément que leur expansion dépend de la puissance économique du pays où elles sont localisées. Wallonnes, elles survivront difficilement sur un marché limité. La France, cinquième puissance économique peut leur ouvrir les portes du monde, en plus de son grand marché national.
C’est pourquoi l’indépendance, si l’espérance est belle, ne peut nullement être envisagée comme une solution d’avenir. Il n’y a pas d’alternative. Nous devons rejoindre la France pour sortir de notre enlisement communautaire et économique
Soit, mais je doute que vous puissiez atteindre un nombre de parlementaires suffisant pour parvenir à réaliser ce projet. Que pourraient faire vos élus ?
Il faudrait être complètement irréaliste pour croire qu’une élection suffira pour réaliser ce grand projet. Mais, et croyez que je le regrette car je suis sensible aux malheurs qui frappent et frapperont encore plus mes concitoyens, la crise entre des communautés concurrentes qui se déchirent de plus en plus, la crise économique sociale et financière, sont des éléments majeurs menant à une séparation devenue indispensable à la Wallonie
Nos élus doivent donc être les aiguillons qui vont contraindre nos hommes politiques à plus de respect et d’éthique. À chaque fois qu’une loi ira dans le sens de l’amélioration de la Wallonie, ils seront aux côtés de ceux qui la proposent, quel que soit le parti. A contrario, toute décision qui pourrait nuire à notre région sera combattue avec ardeur.
Il faut aussi que je vous précise que mes convictions personnelles, basées sur une carrière commerciale et sociale, me portent à la défense des indépendants et des salariés. Au cours des années, j’ai pu constater que les valeurs financières avaient pris le dessus sur l’homme et son travail. Je n’ai jamais pu supporter ce fait. Pour ma part, si je suis élu, je serai particulièrement attentif aux intérêts des petites et moyennes entreprises ainsi qu’au statut des travailleurs qui y sont employés. J’ai appris que l’une ne pouvait vivre sans l’autre et que le respect de l’humain passe avant les cours de la bourse, ce qui semble pourtant non admis par les médias et les puissants qui nous gouvernent.
Et de toute façon, croyez bien que nous dénoncerons avec toute la vigueur nécessaire, toutes les manquements et compromis douteux qui seraient proposés. Nous voulons retrouver l’esprit révolutionnaire de 1789. Il est temps de rendre la parole au peuple !
Tu me sembles bien extrémiste ? Nos hommes politiques habituels ne vont-ils pas dans ce sens, eux aussi ?
Non, je ne suis pas extrémiste mais réaliste. Nos politiciens habituels ne vont pas dans ce sens. La politique est devenue une manière de faire carrière et cela fait oublier à la plupart des élus les promesses faites à leurs électeurs. Comme c’est le parti qui donne l’investiture et qu'ils ont besoin de lui pour continuer à être élu, ils votent comme un seul homme, dans un même élan, tout ce que le parti a décidé. J’admire la démocratie française où des parlementaires UMP votent contre la volonté d’un président, parce que la proposition faite à l’assemblée est contraire à leur conviction ou à la volonté de ceux qui les ont élus.
En conclusion, finirons-nous par devenir français ? Et si oui quand ?
Je ne puis vous répondre à cette question ? Le jour où il deviendra possible d’envisager cette option, il faudra une grande consultation populaire. Car il est impensable de se conduire comme les alliés en 1815, lors de la défaite napoléonienne et d’imposer à tout un peuple un sort dont il ne veut pas. Le retour à la France doit être librement acceptés par les Wallons, mais aussi par nos frères français.
Pour la date de la réunification , cela peut être long mais les derniers faits qui ont conduit à la dissolution des chambres et à la démission du gouvernement montre que le délai se raccourcit rapidement. Tout dépendra des Wallons et de leur degré de résignation à l’état actuel des choses. Mais l’histoire l’a suffisamment prouvé. Un simple évènement peut brusquement tout bouleverser, une injustice de plus ou parfois même une simple injure de plus. Et cet événement, cette injustice vont se cristalliser dans les négociations futures qui devraient être entamées pour la création d'un nouveau gouvernement.
Il faut que je termine cette interview par une remarque. Vous l’avez constaté, je suis Liégeois et Wallon. Mais il est clair que comme tous les Wallons, je suis déjà français d’esprit, de culture et de langue par les écrivains, les philosophes, les poètes, les chansons qui ont bercé ma jeunesse.
Ma carte d’identité déclare que je suis belge, mais mon cœur m’affirme français !
"Wallon, je suis. Français je reste" est ma devise que je défendrai bec et ongles
Interview: Odette Vandaele