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Le blogue de Georges Bleuhay le poète de Méry-sur-Ourthe

Brisons là, de grâce !

3 Septembre 2008 , Rédigé par René G. Thirion Publié dans #Wallonie-France

Cet article de Jacques Rogissart est paru dans "Wallonie-France" revue d'expression libre, démocratique et pluraliste de septembre 2008.

Compte tenu de sa richesse, je le publie sur mon blogue, avec l'autorisation de Jacques Liénard, Rédacteur en chef de la revue. Qu'il en soit remercié !

On imaginait mal une crise gouverne­mentale en plein été, mais eût-on osé l'exclure en assistant aux palinodies du régime monarcho-belgicain ? Un premier ministre embroché sur les cornes du dilemme d'être à la fois le porte-lan­terne du flamingantisme et le concilia­teur fédéral suprême, démissionnaire juste avant la date fatidique du 15 juillet, dans un simulacre de respect de sa parole à ses électeurs et de ses sommations aux francophones.

Selon un scénario probablement convenu (et s'il ne l'est pas, c'est pire), Albert le re­met en selle, soulagé — pour quinze jours ! — du fardeau communautaire, confié à trois médiateurs fleurant la naphtaline de l'unitarisme. Ensuite, on colle bien une nouvelle rustine pour faire rouler le vieux char de l'État jus­qu'à la rentrée parlementaire. Après, on ne sait plus, on ne voit pas. Ce qu'il y a de sûr, c'est que le compte n'y sera pas pour la Flandre. Patientera-t-elle jus­qu'en juin pour souder les élections lé­gislatives aux scrutins régional et euro­péen ? Ce serait de bonne logique po­liticienne, mais y a-t-il encore des pilo­tes aux commandes ? Le Système survit à la petite semaine. «Il faut vivre avec», a dit M. Reynders. Non, il faut agir con­tre et donner le coup de grâce à la fic­tion d'une Belgique vivant en nation.

 

Il est épouvantable d'écouter les diri­geants francophones seriner les anti­ques rengaines de l'unionisme. Comme ils ne se résolvent pas à user d'une pensée alternative (ils savent pourtant que l'heure en sonne au cartel de l'histoire), ils font semblant de s'en re­mettre à la sagesse du roi. Le roi, pau­vre homme ! Le visage marqué par la fatigue et la peur, il ignore comme eux dans quel grimoire il pourrait trouver la recette magique qui redonnerait un peu de jouvence au fédéralisme et, contrai­rement à nos gens, il lui est interdit de réfléchir à un après-Belgique. Aux An­tilles, les zombies sont des victimes. Nos politiciens, eux, aspirent à une zombifi­cation qui les dispense de décider et d'agir, sous la férule d'un maître exté­rieur. Pas besoin de leur inoculer le poison par ruse, ils le préparent eux-mêmes et le boivent d'un trait, age­nouillés devant une pseudo-patrie et un monarque-potiche.

 

Il est superflu que je démontre encore une fois combien leurs défis économi­ques et sociaux sentent le vieux et ré­sonnent comme le creux, dès lors qu'ils sont traités en matières distinctes de l'institutionnel. Les Flamands ont au moins raison sur ceci que les problèmes du Nord, du Centre et du Sud sont si dif­férents qu'ils appellent des solutions profondément différentes.

Il est inutile aussi que j'insiste sur la modicité de l'accord gouvernemental de juillet en ce domaine : l'inflation et les délais d'exé­cution (si tant est qu'il y en ait un) en annulent les gains minuscules pour les particuliers. Mais ils s'en contentent bruyamment, tenant là un prétexte pour retirer leurs ultimatums. On pouvait ce­pendant faire beaucoup mieux, à con­dition d'avoir un État qui gouverne et qui gouverne pour nous. Ils essaient malheureusement de prolonger l'exis­tence d'un royaume dont tous les roua­ges grincent et dont tous les objectifs se télescopent. Et ils ont ratifié sans bron­cher le traité de Lisbonne qui aurait dû encore amoindrir ce que "l'Europe" laisse d'autonomie à la puissance pu­blique, n'eût été le sursaut de l'Irlande, vaillant petit défenseur des Thermopy­les de la souveraineté des peuples.

 

Oui, l'avenir socio-économique réclame des réformes profondes, mais ce ne sont pas les orviétans de leur pharmacopée. Ils s'agirait de redonner au gouvernement un instrument financier, desserrer le garrot de la Banque centrale euro­péenne, protéger et stimuler quelques secteurs clés (dont fait partie l'agricul­ture) contre la concurrence mondiale, mettre en place une planification incita­tive dont le "plan Marshall" de la Wallo­nie est une bonne, mais insuffisante amorce, etc.

Tout cela suppose une réaction ferme aux politiques de l'Union européenne. L'espérer de notre classe politique serait irréaliste — puissé-je me tromper là-dessus ! Mais la France, qui retrouve peu à peu la conscience d'elle-même, commence à renâcler. Quand elle se décidera à utiliser toute sa puissance, force sera de l'entendre. Les peuples du continent, d'ailleurs, n'attendent que cela. Et nous, qui avons toutes les raisons naturelles de la re­joindre dans les combats de son destin, nous resterions figés dans la crainte de nous retrouver, seuls et frissonnants, dans les décombres d'une maison belge qui bat ruine ?

 

Comme toujours, comme cela s'est pas­sé pour les Slovaques et comme cela se passe encore pour les Québécois, les publicistes aux ordres essaient de nous terroriser par un chantage au niveau de vie. Il paraît, à les en croire, que la sé­cession ferait baisser celui-ci de 15 à 20%. Les chiffres économiques, évi­demment, sont dociles à la voix des ventriloques, quiconque s'est mêlé à la confection des budgets publics le sait parfaitement.

Commençons par remar­quer que ceux-ci n'annoncent plus la catastrophe que nous promettait l'étude de fumistes qui s'intitulait (en anglais pour mieux éloigner la clarté) "The cost of non-Belgium". Ensuite, que les princi­paux indicateurs de l'économie wal­lonne attestent sa remontée en vigueur. Que, déjà, la Flandre ne nous accuse plus d'abuser des transferts à son détri­ment en matière de soins de santé. Qu'une bonne coopération avec Bruxelles procurera aux deux Régions francophones la masse de réserve d'une stratégie mutuellement avanta­geuse. Et enfin que la France n'est pas située au pôle Nord... mais n'en disons pas plus pour le moment...

 

La dette publique ? Ah, le vilain spec­tre ! Mais elle est déjà là et la sécession ne l'aggravera pas, si le partage se fait selon les règles internationales ap­plicables aux États successeurs. Pour­quoi ne pas vendre, si besoin en est vraiment, une partie du stock d'or de la Banque nationale ? Les cours mon­diaux en sont élevés et, comme disait Lénine, ce métal inoxydable convient parfaitement pour fabriquer des uri­noirs. Il y a aussi pas mal de tirelires où l'on pourrait puiser : les fabriques d'églises, démesurément dotées, un gros paquet d'intercommunales dont les compétences devraient être remem­brées dans un organisme unique, des "parastataux" fédéraux et régionaux dont les seules justifications sont d'élu­der la transparence budgétaire et de procurer des places aux créatures de la particratie... Ce n'est pas l'argent qui manque, c'est la volonté et un sens de l'intérêt général que seul peut sécréter une vraie nation. Un esprit républicain, en somme.

 

Pour en revenir à la courte durée qui est l'horizon désormais indépassable de la vie politique belge, on ne peut at­tendre que coups de gueule, pannes et courts-circuits des prochains mois. Rien n'avancera avant des élections législa­tives qui, c'est facile à prévoir, arriveront avant terme. Croire que la NVA est à elle seule le propulseur du nationalisme fla­mand relève d'une ignorance épaisse de ce qu'est le nationalisme — d'où, on n'y insistera jamais assez, la Flandre tire sa force.

Sans doute est-il intéressant de se demander si son cartel avec le CD&V résistera à sa déception devant la maigre moisson de leurs semailles com­munautaires. Mais si le VLD ou le SP.A devait prendre la barre, la trajectoire nordiste n'en serait pas déviée d'un pouce : l'échéance de 2009 est mainte­nant trop proche pour que l'heure soit aux concessions. Même Groen !, malgré ses bonnes manières envers Écolo,
s'écarte de moins en moins de l'ortho­doxie du flamingantisme.

Alors... Alors, que les francophones tiennent bon ! Ils n'étaient demandeurs de rien, il y a un an ; ils sont aujourd'hui résignés au confédéralisme, c'est bien. Ils sont devenus conscients de la valeur des enjeux bruxellois et refusent d'en ra­battre là-dessus, c'est encore mieux. Mais cela ne suffit pas. Les positions en présence ne seront pas indéfiniment im­mobiles. C'est du mouvement que vien­dra la victoire. Et qu'est-ce qu'il y a au-delà du confédéralisme ? Allons, nous nous sommes compris. L'indépendance, d'abord. Une option française ne tarde­ra pas à en surgir dans le cerveau des citoyens.

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